Nicolas Jouvin
Quand il largue les amarres, Nicolas Jouvin part toujours avec sa caméra. C’est ainsi qu’il gagne sa vie ; c’est ainsi qu’il rapporte, dans sa besace, de belles histoires, qui riment souvent avec amitiés et ailleurs.
Tout en discrétion, Nicolas mène ses combats à lui, comme avec cette belle aventure du Rapporteur d’images. Un film qui relate sa rencontre avec Damed, cinéaste amateur comorien, que Nicolas va prendre sous son aile. Pas par paternalisme, mais par sentiment d’injustice, et aussi pour rêver un beau projet cinématographique autour des Comores...
Nicolas a la chance, adolescent, de se nourrir des passions familiales.
« Une famille engagée, le goût de la photo transmis par mon père, deux films de fiction “de vacances” réalisés par un oncle dans lesquels joue toute la famille. Même si c’est le temps de la rébellion adolescente, je cherche des réponses dans les manifs, la pratique de l’escalade, et avec elle le goût des grands espaces. Je développe une passion pour la photo, et je n’en oublie pas pour autant mes grands rêves de solidarité. »
Tout est en place. Quelques belles rencontres, notamment la découverte de la caméra de cinéma, pour filmer les exploits sur les parois d’escalade et les descentes de ski extrême, vont le détourner de sa tentative de mener une vie normale, une vie bien structurée de professeur de sports de plein air.
« Je reste révolté, je sais qu’il y a nécessité de l’exprimer, mais je ne veux pas me ranger du côté des donneurs de leçons, et je ne suis pas foncièrement militant. En revanche, raconter des histoires, témoigner, me paraît accessible.
C’est alors que je prends conscience de la nécessité de me cultiver en cinéma et d’acquérir des techniques. Je fréquente assidûment la Cinémathèque, passe le concours et entre à l’IDHEC. À la sortie, prix du Festival de Lille pour Expulsion (merci, Agnès Varda !), une fiction-documentaire qui raconte la destruction de l’ancien quartier de Belleville. Ensuite, ce sera une bourse de la Villa Médicis hors les murs, pour un scénario de fiction autour de l’histoire du Sahara occidental.
En repérage et écriture en Mauritanie, je croise René, clandestin tout frais arrivé de Centrafrique. Autour de lui, avec lui, je réalise Point Zéro en Vidéo 8. Ce sera la première vidéo à participer au Cinéma du réel, grâce à l’ouverture d’esprit et à la conviction de sa directrice d’alors, Suzette Glenadel. Il y obtient une mention spéciale, merci, Suzette !
Pas à pas, je découvre que le documentaire correspond complètement à mon mode de vie : modestie des moyens, complicité, authenticité, prendre le temps de filmer, s’engager durablement... Et c’est parti ! »
Nicolas va multiplier les tournages, avec au cœur de ses films la préoccupation de l’humain. C’est là que réside son engagement politique, un engagement qui se traduit dans ses choix de personnages et de leurs histoires.
« Je centre mes films sur des gens qui, à travers leur lutte pour vivre, racontent les enjeux de notre époque. Mon goût pour la nature sauvage et les grands espaces, mes capacités “sportives”, m’ont conduit à réaliser aussi des films de télévision centrés sur des problématiques écologiques. Ces dernières années, en particulier sur les récifs coralliens et leur inexorable destruction.
Parallèlement à mon travail de cinéaste, j’accompagne, le plus souvent en bateau, des jeunes en lutte contre leurs problèmes d’addiction. »
À l’occasion d’un tournage en Grande Comore, pour y filmer un volcan, un tournage qui lui semblera un peu inepte et dispendieux, Nicolas rencontre Damed Soihili, cinéaste local qui ne cesse de le suivre. « À tel point que je fus soulagé de voir ce type se faire refouler du volcan à un moment, tant il me semblait être dans nos pattes... »
Pourtant, quelques jours plus tard, lors d’une conférence de presse, le même Damed projette dans un coin ses petits films juste tournés. Nicolas, qui s’est approché, est surpris de la qualité des images...
« Nous avons passé le reste de la nuit dans ma chambre d’hôtel, à projeter ses films sur un bout de mur. Passionnant. Je reprenais l’avion le matin suivant. »
Revenu à Paris, penché sur son banc de montage, Nicolas ne cesse de penser à Damed. Il n’est pas très fier que ce soit lui, Nicolas, que l’on envoie filmer à l’autre bout du monde, alors que sur place un cinéaste talentueux est capable de filmer son propre pays et qu’il est totalement ignoré.
« Ce n’était pas la culpabilité qui m’étreignait, mais plutôt un fort sentiment d’injustice. Cela a continué à me poursuivre comme au temps de mon adolescence... J’ai pu alors obtenir, grâce à une productrice qui m’a encouragé à écrire, la bourse Brouillon d’un rêve (de la SCAM, Société civile des auteurs multimédias). »
Nicolas retourne à la Grande Comore, filme Damed dans son quotidien, et celui-ci l’emmène partout, dans la famille comme dans tous les endroits de l’île qu’il affectionne. Il leur faut aussi suivre la campagne électorale. Nicolas filme Damed qui filme les Comoriens. Pour Damed, tous les supports sont bons : VHS, 8, I-8, DVD, et, s’il vit dans le dénuement, il s’avère un génial bricoleur, comme un excellent cameraman, capable d’anticiper les plans et les séquences, puisque ignorant tout du montage.
« C’était aussi une réflexion sur mon métier de filmeur, une interrogation sur le sens de ce métier, un questionnement à effet miroir... Cela résonnait en bien des points avec mon propre parcours. »
La suite ? Nicolas achève Le Rapporteur d’images. Damed obtient un visa et, lors des présentations du film, à Douarnenez notamment, s’obstine à filmer tout ce qui l’entoure. Nicolas mène des démarches auprès de l’INA, qui accepte finalement de numériser et d’indexer tout le fonds de Damed, qui était jusque-là conservé dans des conditions tout à fait précaires. Un bout de mémoire comorienne est ainsi préservé.
Aujourd'hui, Nicolas Jouvin, à qui on ne peut reprocher un manque de ténacité ou de suite dans les idées, a ressorti le scénario pour lequel il avait eu la bourse de la Villa Médicis hors les murs il y a vingt-huit ans, et qu’il n’a finalement jamais développé. L’histoire d’un jeune géographe qui se fait prisonnier volontaire de tribus du Sahara occidental, afin de pouvoir explorer cette zone inexplorée et raconter la vie des peuples qui l’habitent. C’est une fiction...
Au fond de son sac de bourlingueur, Nicolas aime à jeter les livres de Conrad, Nicolas Bouvier et, plus récents, de Brady Udall :
Lâchons les chiens ou Le Destin miraculeux d’Edgar Mint
Documentaires
- 2012 Social Business, une nouvelle voie pour le capitalisme ?
52' Orana et Cie production
Qu’est ce que le Social Business? Une analyse des enjeux et des impacts de cette nouvelle tendance de l‘économie à travers une entreprise en développement au Cambodge.
- 2012 Le trésor sous marin des îles Marquises
52' Polynésie première – Films en vrac – Bleu Lagon
L’expédition Pakahii te mohana réalise l’inventaire des espèces sous marines avec l’aide de la population de l’Archipel
- 2011 La route des amphores, une histoire de la conquête des Gaules
52' Arte – l’Aventure humaine – Amip
Comment les romains ont conquis la Gaule avec des millions d’amphores de vin.
- 2009 Le rapporteur d’images
52' Ciné-Cinéma – Amip – Scam
La leçon de cinéma de Damed le comorien.
- 2008 Hold-up au Zimbabwe
52' France5 – Strawberry – MC4
Un projet de developpement durable tente de survivre à la dictature.
- 2006 Saint-émilion, qui l’eût cru !
52' France 5 – Cie des Phares et Balises
Tous les dix ans, les crus de Saint-émilion sont reclassés. Qu’en sera t-il cette année alors que le goût se mondialise ?
- 2005 Ciguatera, la maladie qui gratte
52' France 3 – RFO – Films du rêve
La détérioration des récifs coralliens dans les territoires d’outremer accélère le développement d’une étrange et dangereuse maladie : “la gratte”.
- 2004 Passion sauvage en Guyane
52' Canal + – Films du rêve
Un soigneur élève des jeunes jaguars chez lui, il les sauve ainsi de la prédation des adultes trop à l’étroit dans leur cage au zoo.
- 2002 Massawa
26' Ministère des Affaires étrangères – Musée de Massawa
Portrait de la ville de Massawa en Érythrée.
- 2001 Qui a tué le poisson baliste ?
26' La Cinquième – Films du rêve
Sur les côtes du Sultanat d’Oman, des milliers de poissons morts, qui est le coupable ?
- 1999 Simunye
52' La Cinquième – Muzzik – La Cie des Taxi-Brousse
Rencontre entre une chorale baroque d’Oxford et des chanteurs sud-africains des ghettos de Johannesburg.
- 1998 Sakke, musique et mariages en Mauritanie
52' Planète – La Cie des Taxi-Brousse
Les amis du marié accompagnés de leurs griots vont chercher la mariée dans son village.
- 1995 La Grande Pêche des Imraguens
52' FR3 (Thalassa) – SSR – Planète – NHK – La Cinquième – Cie Taxi Brousse
Les dernières grandes pêches avec les dauphins sur les côtes de Mauritanie.
- 1994 Les Derniers Dinosaures
52' FR3 (Thalassa) – SSR – Planète – NHK – La Cie des Taxi-Brousse
Une campagne de pêche au large de l’Afrique de l’Ouest sur un des derniers navires-usines de l’époque soviétique.
- 1993 Les Indiens du fleuve
52' FR 3 (Thalassa) – SSR – NHK -La Cie des Taxi-Brousse
La vie quotidienne des Indiens Wayana sur le fleuve Maroni en Guyane.
- 1992 Hors Piste
52' Arte – La Cie des Taxi-Brousse
Vie et entraînement des apprentis coureurs de fond au Kenya.
- 1988 Point Zéro
13' Canal +
En attendant le bateau, les rêves d’un clandestin centrafricain à Nouadhibou en Mauritanie.
• Cinéma du Réél (1989) : Mention spéciale du jury.
- 1986 Godavari
52' Antenne 2
Descente du second fleuve d‘Inde pendant la mousson.
Bourse des Carnets de l’Aventure, Antenne 2