Peuples du Brésil
Le 46ème Festival de cinéma de Douarnenez est dédié aux peuples du Brésil. Dans son édito, le nouveau directeur de la manifestation, Yannick Reix écrit, à la lumière des propos de l'historien Ilan Pappé, sur la nature écocide des régimes coloniaux. Le processus d'anéantissement d'un peuple se double d'une violence faite au territoire. C'est bien évidemment le cas au Brésil. Comment ne pas évoquer aussi la Palestine en cet été 2024 - alors que le plus terrifiant restait à venir.
Avec les invités du Festival, versant Brésil, il est donc évoqué la lutte contre-coloniale des Mouvements des sans-terre, des Quilombolas contre l'accaparement des terres agricoles, de l'eau. Mais aussi les violences faites aux corps féminins, et les corps noirs féminins en particulier. La résistance des paysages, du langage, est célébrée également. Le lien avec la Bretagne s'impose tout naturellement : Dans La langue bretonne, de Nicole et Félix le Garrec, un personnage dit «la terre ici ne comprend que le breton, quand on lui parle français la joie se retire des travaux ». Inspirant.
Au nombre des invité.es, versant Brésil, on compte Erika Campelo de Autres Brésils, Ernesto de Carvalho, réalisateur et propducteur sur le projet Video nas Aldeias, Mariah do Socorro de la CONAQ ( coordination des communautés Quilombolas ), Marcelo Gomes immense cinéaste, auteur entre autres films de Aspirina e Urubus. Mais aussi Fernanda Lomba, de Nicho 54 qui soutient les professionnels noirs dans l'audiovisuel ; Gilles Maréchal, économiste, de l'association AMAR qui mène des échanges avec le Brésil depuis 35 ans ; Tupa Nunes de Oliveira , chef spirituel et cacique de Mata Verde Bonita, dans l'état de Rio de Janeir ; Héloïse Prévost sociologue, réalisatrice de Femmes rurales en mouvement ; Béatrice Rodovalho, chercheuse en cinéma et co-présidente de Autres Brésils ; Amanda Samarcos, technicienne agricole ; Julia Stein Nicoli, du Mouvement des Personnes affectées par les Barrages. Diversité, pluralisme et engagement rassemblent tous ces noms. Cette liste n'est pas exhaustive : plein d'autres noms bretons, palestiniens, français, afghans, viennent s'y ajouter, en compagnie de Sourds, Intersexes, des réalisateur.trices ... de la Grande Tribu.
Ce festival sera donc l'occasion de voir ou revoir du Cinéma Novo avec le Vidas secas de Nelson Pereira dos Santos, Le dieu noir et le diable blond de Glauber Rocha mais aussi Alma no olho de Zozimo Bulbul, fondateur pour le cinéma noir brésilien. Les regards de cinéastes autochtones s'incarenent au travers de La transformation de Canuto ou de Martirio, et autres films du collectif Video nas Aldeias.
Autre pan, celui qui filme les minorités. Trans dans Indianara, ados dans Je m'appelle Bagdad, fantastique dans Bacurau, urbaines dans Aquarius, les religions Medusa ou dans Foi et furie. Autant de perspectives.
Versant Bretagne.
Au programme de ce magnifique Focus Nicole et Félix Le Garrec, une rencontre avec Nicole, Chemins de traverse.
Lorsque Nicole parle c’est de la pure transmission, celle d’une conteuse, Félix raconte par l’image. Une démarche souvent militante, à la fois ancrée en Bretagne et tournée vers l’ailleurs.
Au sein de la sélection bretonne, il s’agit peut-être de chercher une communauté d’expérience, de se laisser déplacer par le territoire et le regard de ses habitants. C’est ce qu’Éléonore Saintagnant expérimente dans Camping du Lac, avec un film psycho-géographique faussement ludique et intensément poétique.
Créer hors des enjeux de l’industrie cinématographique ? Prendre le temps – avec La ville en nous de Lucie Rivoalen, fruit de trois années de dérives et de rencontres, de co-fabrication aussi.
Et puis réactiver la mémoire. Louise Hémon dans Voyage de documentation de Madame Anita Conti, par l’épure de son tissage des archives, nous rappelle la puissance, la lucidité du regard et de la parole d’Anita Conti.
Un film emblématique : Femmes rurales en mouvement de Héloïse Prévost.