Roland Michon

Eclectique et... curieux !

Créateur de films dans un grenier, vidéaste, filmeur politisé dans les années 1970, cinéma expérimental à Nantes, épris de cinéma social et TV locale à Grenoble, pionnier d’une TV éducative pour la révolution agraire en Algérie, inventeur de films d’entreprise, enfin, réalisateur (encarté) depuis 1982 pour les télévisions du service public. Réalise et conçoit plusieurs programmes en langue bretonne.
S’il le faut, il devient producteur. Enseigne. Épaule. Et invente toujours sa vie, avec un éclectisme et un appétit qui font plaisir à entendre. Jacques Prévert se régalerait !

« Le désir de cinéma ? Ça remonte à l’enfance, dans le grenier où j’organisais des projections de papiers découpés avec une lampe électrique, pour épater mes cousines, distraire mes frères et sœurs… Je ne manquais jamais non plus les séances du cinéma paroissial à Lorient, et fréquentais en alternance celles du patronage laïque. Puis j’ai des souvenirs de Tunisie, où mon père ira travailler un moment : projections de films en plein air, avec des geckos, lézards du coin, qui traversent l’écran, et des bobines montées à l’envers, les personnages ont parfois la tête en bas, mais j’adore ça.
C’est peut-être là que le cinéma expérimental germe en moi ?

Retour en France, et pourquoi pas les Beaux-Arts, au grand dépit de ma mère qui me voit finir dessinant à la craie sur les trottoirs. Non, ce sera alors la philo à Nantes, et la vidéo qui fait son apparition.
Nous nous précipitons avec les portapack Sony ¼ de pouce pour capter des images, et soutenir : les paysans travailleurs, la réoccupation des bords de l’Erdre, les squats, les grèves…

Parallèlement, on récupère de la pellicule en douce, des caméras, 16, Super 8, tout ce qui nous tombe sous la main. On s’agite, on tourne des courts-métrages, des fictions très « underground », car assez vite je me lasse des slogans, je ne veux pas devenir un porte-caméra pour discours tout faits. Je m’éloigne. Gagner sa croûte, en faisant des piges, dans le cinéma, la musique, « le spectacle », comme machino, technicien, figurant…
Mais ces années-là sont décidément à l’invention : me voilà à expérimenter de nouveau, à Nantes, à La Rochelle, à fréquenter un autre cinéma. On perce les films à la machine à coudre, on les brûle, on déchire, on gratte, on peint, on ne veut pas entendre parler d’industrie ni même de narration. C’est l’aventure avec les gens de la Paris Films Coop.

Sur Nantes, je me mets à tourner avec des jeunes, suivis par des éducateurs de rue, on est plus branché sur les films de gangsters, ou les braquages, un goût de fiction.
Justement, je rêve encore de faire l’IDHEC, mais suis trop vieux déjà, alors ce sera un passage éclair à Bruxelles (INSAS).
Puis départ pour l’Algérie, avec un projet audiovisuel itinérant qui n’aboutit pas. On est en 1978, je me mets à faire des films sur et pour les paysans dans le cadre du service cinéma du ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire. Une collection de films de formation sur le vêlage, les maladies de la tomate, l’agro-pastoralisme, les soins de premier secours, que nous allons projeter en campagne pour éduquer les paysans. Je me prends pour une sorte de Dziga Vertov, mais mes élans « révolutionnaires » sont stoppés net, je suis viré à la mort de Boumediene.

Arrivé à Grenoble en 1980, je récupère en passant une maîtrise audiovisuelle option production, je participe aux dernières lueurs de la « vidéo-gazette » de Villeneuve, précurseur des TV locales, des télévisions communautaires qui essaiment au Québec et en Belgique dans ces années-là. Puis c’est la participation à la mise en place en 1981 d’une maison du cinéma en Isère.

En 1982, c’est le retour en Bretagne.

S’ouvre pour moi une parenthèse encore bien différente : le film d’entreprise pour Peugeot, EDF, Total, les ACB… Un luxe de moyens ; j’en profite pour apprendre et me familiariser avec toutes sortes d’équipements et de technologies. Je travaille aussi pour France 3 Régions, où je me lance avec beaucoup d’énergie dans la réalisation. Journaux ou émissions de variétés, premières émissions pour enfants avec Gérard Delahaye et Patrick Ewen, et concerts et émissions de rock.
Je cours un peu partout, BBC, ZDF, Antenne 2, France 3, Limoges, Strasbourg, Lille, une série sur les Celtes, divers tournages en Europe centrale… ou encore avec des artistes comme Yann Kersalé, ou Alain Bourges.

Puis un désir venu de loin émerge tranquillement : faire des films sur et pour la culture bretonne. Je me sens assez proche de certains jeunes acteurs de cette culture : Nolwenn Korbell, Marthe Vassallo, Goulwena an Hénaff, Gurvan Musset, Bastian Le Guillou, Mathieu Herry… avec qui je collabore à différents moments, même si j’ai un rapport à la culture bretonne assez distant.
Je suis croyant mais pas pratiquant, et surtout me méfie des intégristes !

En 1997, ma décision est prise : puisque les projets documentaires en breton n’intéressent personne, je monte une boîte de production, Kalanna, avec Soazig Daniellou et Hervé Morzadec. Le premier film sera consacré aux lycéens de Diwan, première génération… Brezhoneg ’leiz o fenn. Bien d’autres suivront.
J’ai à l’époque très envie de développer des projets sur les langues minoritaires ; seuls Écossais et Chicanos croiseront notre route. Un beau chemin, même si je me suis aujourd’hui séparé de Kalanna. Puis je dirige un an le service audiovisuel du CREA à Rennes 2.
À l’époque, nous expérimentons des émissions (Campus, Synopsis) pour les chaînes locales ou régionales 
ainsi qu’un canal éducatif, préfiguration de « L’Aire d’u ».

Parler d’un de mes films ? Lettres à un gallésant en 2008. Une réflexion sur les enjeux qui traversent la langue et la culture gallèse, à l’orée du XXIe, à un moment crucial de son devenir : entre disparition et création. Ainsi qu’un double portrait croisé de ce personnage atypique et hors norme qu’a été Gilles Morin et ce «griot extrême-occidental» qu’est Bèrtran Ôbrée. Deux hommes, deux démarches, deux personnalités : l’enthousiaste et le poète, aussi nécessaires l’un que l’autre…

Je reprends des collaborations, en tant que directeur de production indépendant ; j’enseigne toujours le cinéma, l’esthétique et l’écriture à de jeunes plasticiens ; j’aide de jeunes auteurs ou réalisateurs à monter leurs projets ; je travaille sur un documentaire ayant trait à la Résistance et la collaboration en Bretagne.
Le tournis ? Non, chaque chose s’est faite en son temps, et j’ai toujours envie de faire des films. C’est vital.

Filmographie

  • 1981 Portrait Robot
    Documentaire scientifique, 16mm, 32', Production SERDAV/CNRS
  • 1982 Voyage en électronie
    Film d'entreprise (prix au festival de Biarritz), 30', VIDEO 44
  • 1984 Hubert, Luc et les autres...
    Portrait documentaire, 26', TPR OUEST
  • 1985 Corps à cornes
    Documentaire pédagogique, 26', TPR OUEST
  • 1986 Lumières et circonstances
    Co-Réalisation : A.Bourges, fiction/installation, 80' Production Festival d'Avignon
  • 1987 Le songe est de rigueur
    Co-Réalisation : Y.Kersalé, film expérimental, 8', Production Beaubourg, Centre Georges Pompidou
  • 1987 Blockhaus
    Fiction, 45', Centre Régional d'Art dramatique/CREA
  • 1988 La maison des enfants
    Documentaire pédagogique, 8', CREA Rennes 2
  • 1991 Raphael et l'ile du dragon
    Fiction/documentaire, 30', Carmin films/ FR 3 Alsace/ARD/Arte
  • 1992 Kombinat à louer
    Documentaire, 26', Cité des Sciences et de l'Industrie / Ministère de l'Agriculture
  • 1994 Lorient ville martyre
    Documentaire, 26', MFP productions/FR3
  • 1995 Reun Kreston : Ar breur henan
    Documentaire, 26', France 3 Ouest
  • 1996 Mitraillette marin d'eau douce
    Documentaire, 26', 13 Production / France 3
  • 1996 Talbenn ar Pobl
    Documentaire historique, 40', France 3 Ouest
  • 1997 André Lebreton,Medisin al loened
    Portrait documentaire, 13', France 3 Ouest
  • 1998 Un Donezon
    Documentaire, 13', France 3 Ouest
  • 1999
    Ar pokerezed bleuniou
    Tenzoriou ar gestenn
    26', documentaire en 2 parties, France 3 Ouest
  • 2000 Yann ber Kalloc'h
    Portrait d'écrivain, 26', Kalanna/France 3 Ouest
  • 2001 Kement evn'zo, ma kar gav par
    Documentaire, 13', France 3 Ouest
  • 2001 Per Denez
    Portrait d'écrivain, 26, Kalanna / France 3 Ouest
  • 2002 Skrivan
    Documentaire, 26', Kalanna / France 3 Ouest
  • 2003 Pesketaer Porz -Gwenn
    13', portrait ethno-linguistique, Kalanna / France 3 Ouest
  • 2006 la seule fois
    12', expérimental / danse, Conservatoire de Rennes
  • 2007 Acordages
    18', expérimental / performance, AKA / JPL films
  • 2008 Syzygie
    9', expérimental / peinture, CREA/CIM
  • 2009 Lettres à un gallésant
    52', documentaire, Kalanna / TV Rennes
  • 2010 Guernuche a guernaille
    52', documentaire, Kalanna / TV Rennes
  • 2012 Hentou 70'
    52', documentaire, Kalanna/INA/France 3 Ouest
  • Paris Films Coop, l’historique qui a donné lieu à Cinédoc aujourd’hui, espace de cinéma expérimental : http://www.cinedoc.org/
  • Un livre de Roland Michon en breton : Diweza beaj Kolomban, de Ronan Pichon.
    Un réalisateur se voit confier un projet difficile par une chaîne de télévision : suivre le dernier « Tro Breiz » d’un ancien militant breton de la dernière guerre, au passé plutôt trouble…