Véronique Pondaven

Droit à l'humain !

Véro Pondaven a longtemps roulé sa bosse, et c’est peut-être ce qui lui confère cette justesse de ton, cette sincérité, cette intégrité qui affleurent dans ses films. En particulier dans 20 ans à Molène, jamais molènais et Manille.
Marée après marée, Véronique arpente les grèves du cinéma breton.
Au cœur de l’humain, sensible et décapant...

« Oui, d’accord, j’ai fait une école de cinéma, mais à l’époque la pellicule est chère, alors je cherche du travail sur les tournages des autres. Ce sera par exemple sur Chacun cherche son chat de Cédric Klapisch, des petits boulots et des régies sur Paris, où je reste dix ans. Puis direction le Québec, où une aventure plus créative m’attend : je travaille dans une télé communautaire, à La Malbaie, TV Vents et marées. Les projets sont un peu fous, la vidéo permet plus de choses, j’apprends à monter, j’ai les mains dans le cambouis, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Retour à Brest en 1999, où j’enchaîne les boulots, mais où se dessine enfin l’opportunité de s’équiper en vidéo, avec des caméras moins onéreuses et plus légères. C’est possible de monter son film sur Final Cut, dans sa cuisine. Alors je me lance, et puisque je vais très souvent à Molène, c’est l’envers de cette carte postale que je vais filmer. Loin des sujets de Thalassa, qui ne nous montrent que l’univers des marins-pêcheurs et une image idyllique de l’île, des sujets édulcorés.

Moi, sur le caillou, j’ai fait la rencontre de Philippe Richard, secrétaire de mairie, qui ne mâche pas ses mots. La complexité du personnage et de son discours sur les îliens me séduit, sa sincérité aussi. Le film est dans la boîte, grâce à la complicité et à la générosité de vieux copains, comme Sébastien Durand ou Nicolas Hervoches.
Avec ce dernier, qui a co-réalisé Le Tracteur d’orgueil, et d’autres amis, nous montons un peu plus tard une maison de production, Myria Prod. Sans tout cet entourage, pas de film. Curieusement, 20 ans à Molène, jamais Molénais, sorti en 2003, est bien accueilli par les insulaires. Sûrement y retrouvent-ils certaines de leurs vérités ?
Il est même primé à Groix, au Festival du film insulaire. »

Puis ce sera Manille en 2008, également le fruit d’une rencontre faite à Groix, qui mène ensuite Véro dans ces étonnants ateliers de forge, sur le port de Lorient. À première vue, l’univers ne pourrait sembler propice qu’à un film industriel, une occasion de souligner l’esthétique incroyable de ces lieux. Le métal rougeoyant, le niveau sonore ahurissant.
C’est cependant la pénibilité de ce travail que Véro va savoir capter, les impasses dans lesquelles sont les quarante ouvriers de la boîte. Son véritable talent est sûrement d’avoir senti combien ces non-syndiqués avaient eux aussi des choses à dire, même en creux, au fil de leurs silences et de leur assentiment à se laisser filmer. D’autres auraient fait un clip un peu esthétisant. Véro, elle, passe en fait plus de trois mois parmi eux, se fait accepter, et nous offre son regard brut et ciselé à la fois sur ce monde du travail.
Un peu comme ces pièces spéciales que l’on forge dans ces ateliers, accastillage pour géants des mers, pièces que l’on ne produit que rarement, mais avec la plus grande attention et délicatesse. Dans un monde rude et brut.

Humanité, savoir-faire, curiosité, Véronique est de celles qui se hissent sur la pointe des pieds pour regarder par-dessus le mur. On croise cette Brestoise dans bien des festivals de cinéma, elle aime découvrir les images des autres. Ses goûts en cinéma sont éclectiques, de Cassavettes à Vinterberg, Fassbinder, Delépine et Kervern, Yolande Moreau.

Véro n’est pas blasée, même si pour vivre il faut enchaîner des films de commande… Mais nul doute qu’elle nous offrira encore de beaux portraits. Complexes et décapants, visages ridés, peaux tavelées, loin des paillettes et des clichés qui encombrent tant nos écrans.
Belle marée !

  • Un livre en particulier : Le Non de Klara, de Soazig Aaron
  • Et, pour l’éclectisme, les films de Cassavettes, Yolande Moreau, le film Festen et la série Treme sur La Nouvelle-Orléans ! Déjà, le générique est un bijou : http://www.youtube.com/watch?v=hgV0B9W301o
  • Et pour finir, le roman Eldorado de Laurent Gaudé

Filmographie

Réalisation de documentaires :

  • 2003 20 ans à Molène, jamais molénais….
    52' , autoproduction
  • 2006 Des graines sur le béton
    52' production Myria prod.
  • 2008 Manille
    52' production Myria prod. et France 3
  • 2011 Chapitô
    52' production Myria prod. et Idées Détournées
  • 2011 Voyage en Bosnie
    65' autoproduction et Fanfarnaüm...
  • 2013 Laïs
    62' production Myria prod